A la djemàa , avant l’exode de 1958 vers des cieux plus cléments , et avant que ne s’installent la suspicion et la peur …, on ne parlait que du capitaine Bondier et de ses « exploits » : exécutions sommaires , sévices corporels , tessons de bouteilles , pendaisons par les pieds …. . Un jour , une jeep avec 04 militaires à son bord , dont un lieutenant , en roulant vers l'école de Tala n’Tazert ( où était installé un camp militaire) fut prise sous le feu nourri des moudjahidines et termina sa course au fond d’un ravin. Ses occupants furent tous tués . Le lieutenant mort ce jour-là dans cette embuscade était , sans doute , issu d' une grande famille française puisque le célèbre hebdomadaire Paris Match consacra un long article à ses funérailles .
Le capitaine Bondier , officier des chasseurs alpins , ne pouvant plus se permettre d'envoyer ses soldats se faire « tirer » comme des lapins , adopta , contraint et forcé, une position de repli . Il ne pouvait mieux trouver stratégiquement que notre village pour installer un poste avancé. Il déménagea le camp de Tala n tazarth pour se fixer à 500m de notre village , du côté du mausolée Sidi Mhamed Larbi , en occupant la nouvelle école ,en partie détruite ( camp codé p 12 ) et la maisonnette/grange de Dda Mouloud Ould Younès (en 1956).

La grange de Mouloud Ould Younes
A partir de 1957 et de plus en plus depuis 1958 , régulièrement, des hommes de chez nous et ceux des villages alentour, qui n’avaient pas où aller pour fuir la région , étaient parqués , comme des bêtes , dans cette maisonnette , pour les besoins de la « stratégie » de l'armée : torturer les jeunes à qui le nidham (l’ALN) avait ajourné l'enrôlement dans ses rangs du fait qu'ils ne s’étaient pas procuré une arme ou commis un attentat pour monter au djebel. , Les services de l'armée sûrement au courant de ces conditions draconiennes des nôtres, négociaient la libération des villageois enfermés et terrorisés contre la constitution d'un noyau de brigade de harka et d'un comité de village ce qui d’ailleurs ne les empêchait pas de faire fusiller des jeunes sur lesquels ils avaient des soupçons .
Avant de libérer tout le monde l'armée réussit à enrôler , par force , pour certains d’entre eux et après les avoir sciemment salis ou compromis auprès de la population , une dizaine de personnes dont un sourd muet et un attardé mental. On plaça ce groupe sous le commandement d'un caporal , que les vieilles appelaient Kavinar Installés au coeur du village , à partir de 1959 , dans une maison désertée par ses propriétaires ces harki entreprirent la « pacification » : couper les grenadiers , bosquets , ormeaux , figuiers , poiriers …, tous les arbres à la périphérie du village ( Timizar) qui pouvaient constituer un danger pour leur sécurité …et bien sûr ces corvées étaient imposées à quelques vieux et autres adultes épargnés par l'embrigadement dans la harka. Sous l'œil vigilant de kavinar ,des pieux furent taillés, à partir d'arbres abattus, pour soutenir les fils de fer barbelés qui allaient faire ceinture autour du village avec deux entrées qu’il faisait ouvrir le matin et fermer l’après-midi … quand il n’y avait pas de problèmes . A suivre.