Des familles entières ont été décimées
Saidouiza
« L’herbe a repoussé sous les empreintes des pas , sur les chemins empruntés jadis par les gens … » entonne , d’une voix douce et mélancolique, un chanteur-poète natif du village de Said, Ighil Bouamas.

Un cimetière du village d'Ighil Bouamas , photo Borrel 2006
A chaque perquisition, les femmes se regroupaient pour se défendre ensemble et protéger leur honneur, les hommes , pour ce qu’il en restait, partaient au charbon : ils devaient se montrer aux militaires et répondre à leur interrogatoire. Souvent , ils étaient arrêtés sur place , même jeunes… .
Un jour , un frère de Saïd, qui venait de quitter le lycée de Tizi-Ouzou à la suite de la grève des étudiants , reprocha à un soldat de vouloir chiper son petit Larousse quand il le vit le prendre pour le consulter. Offusqué, le militaire s’en plaignit à l’oncle paternel (ce qui était gentil ) , mais le punit quand-même en lui faisant porter un sac à dos jusqu’au village voisin . Moins jeune, il aurait été mis en prison ou tué …

Ighil Boumas , 1960, photo Borrel
L’apport à la Révolution du petit village de Saïd , comme tous les autres villages de Kabylie , est incommensurable . Le village était dans toute la guerre . Il se vida de ses hommes et n’y demeuraient que les femmes , les enfants et quelques rares vieillards malades et privés de soins. Les hommes , jeunes et moins jeunes , étaient partis ailleurs pour les uns , morts pour les autres , parfois dans des conditions mystérieuses . Tu restes au village , tu meurs ! Tu pars dans la montagne, tu meurs ! Alors , vas dans la montagne et meurs ! Djaout le disait autrement et sublimement au plus fort des années de sang , plus de trente années après l’indépendance : « tu parles tu meurs , tu te tais tu meurs , alors dis et meurs ! » Djaout a été assassiné. Tant d’hommes de culture et de liberté ont été assassinés ….