M’barek Ath Menguellet
par Saidouiza
Un témoignage d’un homme de lettres , Da Hamou , daté de mars 1990 à propos du propriétaire de la maison bombardée ( M’barek Ath Manguellet , voir article Le témoin du petit village , page 35 ) ) : « C’est en 1935 , à l’école primaire supérieure de Tizi-Ouzou que je l’ai rencontré pour la première fois . Il était interne et fréquentait le cours supérieur où il avait le privilège de recevoir un enseignement de qualité . L’année suivante , il fit son entrée en première année de l’E.P.S . D’une solide formation de base, il devint un brillant élève régulièrement inscrit au tableau d’honneur. J’étais en externat , en quatrième année , classe de préparation au concours d’entrée à l’Ecole normale de Bouzaréa . Par-delà le lien de parenté qui nous unissait , nous nous sommes liés d’une grande amitié . J’étais persuadé qu’il irait très loin dans ses études . On pouvait sans risque d’erreur le situer dans ce petit groupe d’élèves surdoués de la cloche Laplace -Gauss , courbe mathématique des probabilités . Je le quittais dans cette perspective d’espoir en 1937. J’entrai à l’Ecole normale. »
« Quand je le revis en 1941 à Ighil-Bouamas à l’occasion d’une fête familiale , je fus désagréablement surpris , peiné , d’apprendre qu’il avait interrompu ses études au motif d’exclusion . La sanction qu’il avait subie était bien injuste et imméritée. La faute qu’il aurait commise était d’une indigente banalité . Dans un devoir de composition française , il avait développé le thème de la jalousie freudienne . Faisant dialoguer ses personnages, il avait ciblé le professeur avec une certaine note d’humour douce-amère , une dame dont on disait précisément qu’elle était jalouse . C’était tout, rien que cela . Piètre professeur de lettres ignorant le courant littéraire du surréalisme en vogue ! Inhiber la richesse de l’inconscient d’un adolescent , quelle indigence d’esprit , quelle médiocre pédagogie ! Au conseil de discipline , seul mon ancien professeur de français , Monsieur Michel , l’avait défendu avec colère et chaleur , mais en vain. C’est ainsi qu’il a été brisé dans son cursus scolaire non pour sa conduite , mais pour son intelligence précoce ».
« Dès lors qu’il en gardait une grande amertume , une profonde blessure, son engagement politique devenait un exorcisme » . « Je le revis de nouveau en 1946 à Ighil-Bouamas. Il militait activement dans le M.T.L.D . , parti intransigeant , partisan de la lutte armée. J’étais à l’U.D.M.A. parti modéré , partisan du dialogue. Nous procédions souvent à un échange amical d’opinions. Il demeurait toujours aussi résolu dans ses convictions. Sa conclusion était invariable : « Malheur à celui qui croît en la parole de la France . » La seule concession qu’il me faisait, c’était son sourire à fossettes. » à suivre .