Les débuts de la révolution armée à Ighil Bouamas
Par Saidouisa
La lutte armée se faisait de plus en plus sentir , la mort hantait le village , la mobilisation était générale ... Les moudjahidine s’y faisaient plus présents , tandis que les militaires y pointaient déjà du nez . Suite à l’ordre donné par le Front à tous les élus de démissionner de leurs postes , le père de Saïd se rendit à Michelet , avec les collègues des autres Arouch , pour remettre leur démission que l’autorité de la commune mixte accepta. Par la force de son statut en tant qu’ex maire ( centre municipal d’Ighil Bouamas ) ) , il devint chef de Front et responsable de la trésorerie de la cellule locale du FLN. Investi de cette responsabilité , on le chargea de réunir pour le Front les fusils et munitions du village.
Un jour, en montant depuis sa maison familiale pour se rendre au village, Saïd remarqua sur sa route une sentinelle derrière un olivier, près du moulin du village. C’était un des moudjahidines qui assuraient la garde. Poursuivant son chemin jusqu’à la mosquée, il y trouva dans la petite cour une colonne d’une douzaine de moudjahidine vêtus d’uniformes militaires olivâtres dignes des soldats d’une grande armée ; des hommes de grande taille, étrangers au village, armés pour la plupart de fusils de chasse et de revolvers . Jamais Saïd n’eut l’occasion de rencontrer autant de moudjahidine . L’un d’eux , gros et fort , un peu obèse, portant une cartouchière en saillie qui fermait à peine sur son gros ventre , s’affairait à regarder au loin avec des jumelles , ayant soupçonné la présence de militaires dans les parages . Il s’adressa à son supérieur et le rassura : « il ne s’agit que d’un berger qui garde ses moutons » , lui dit-il.
Saïd n’en revenait pas lorsque soudain il vit à l’intérieur de la salle de prière son père , tout seul , accroupi , visage rougi par la lourde et périlleuse mission , s’occuper à réunir en tas les cartouches de fusils . Il y en avait de quoi remplir la moitié d’un sac à blé. Il avait alors peur pour son père car on craignait déjà les dénonciations . Le soir, sa mère lui apprit que les moudjahidine étaient venus dans le village pour réquisitionner les fusils. « On a voulu faire vite, car dans certains villages les militaires ont déjà saisi les armes aux gens. » , lui dit-elle.