Réveil des souvenirs
Daniel BREUIL
Août 2012 – Vacances, soleil et mer, je suis en vacances en Espagne. Dans mon appartement dijonnais tout est fermé, tout dort sauf le répondeur téléphonique.
Vendredi 24 août, dix neuf heures cinquante deux le téléphone sonne, personne pour répondre, le répondeur se déclenche.
Une voix lointaine à l’accent chaud des pays méditerranéens se fait entendre et s’imprime.
Deux septembre, vacances terminées, retour à Dijon.
Valises lourdes, ascenseur, clés dans la serrure, la porte s’ouvre.
Hall d’entrée, une petite lumière clignote sur le socle du téléphone.
Pas étonnant me dis-je, quelque ami ou quelque marchand me proposant un produit miracle. Posons les valises, nous verrons tout à l’heure, un peu de repos après un voyage fatigant, le temps d’avaler un verre d’eau…
Voyons les messages et écoutons ceux qui pensent à nous, appuyons sur le bouton :
« Allo !
Bonjour monsieur B. »
Etonnement, je ne connais pas cette voix qui continue :
« Je vous appelle d’Alger.
Je ne sais pas si c’est le même B. D. qui a fait son service militaire à Aït Ali Ouharzoune au bataillon de chasseurs alpins – vous avez été instituteur.
Si c’est bien vous, j’essaierai de vous rappeler autour de 21 heures et voilà, donc à tout à l’heure.
Je suis Bellaïd, vous avez été notre instituteur avec Brahim, Ahmou, Ahmid, … voilà. »
Déjà mon cœur bat plus fort et dans ma tête tourbillonnent mille images, mille souvenirs d’il y a plus de cinquante ans.
Bellaïd, puisque c’est lui qui m’appelle de là-bas, d’Alger, continue son message :
« On garde toujours un excellent souvenir de vous.
Brahim a fait un papier sur vous, sur internet, sur Aït Ali où il relate votre passage, votre comportement digne d’un Français tel que nous les aimons et les respectons… l’histoire de France et la culture française.
On ne vous oubliera jamais, jamais, jamais.
A tout à l’heure, je vous rappellerai peut-être dans une heure si ça vous va. »
Bellaïd, mon élève d’il y a … est-ce possible que tu penses encore à moi ?
Bellaïd as-tu rappelé ? Certainement, mais je n’étais toujours pas là. Peut-être as-tu pensé que ce monsieur B. que tu appelais n’était pas moi et tu n’as plus téléphoné.
Quel regret pour moi de ne t’avoir pas entendu, de n’avoir pu parler un peu avec toi, de renouer autour de nos souvenirs communs comme de vieux amis que nous sommes je l’espère.
Sauras-tu jamais toute la force de l’émotion que ton appel a déclenché en moi. Enfants, écoliers devenus des hommes à qui j’ai essayé d’apporter un maximum de connaissances et de réflexion… des hommes qui si longtemps après se souviennent de moi, quel bonheur !
Sachez tous que je ne vous ai jamais oubliés et que j’ai toujours conservé vos visages et vos silhouettes d’enfants sur des dizaines et des dizaines de photos. Visages et silhouettes que j’ai tant de fois montrées en disant voici Brahim, voici Bellaïd, voici…
Aujourd’hui, mes petits enfants vous connaissent et pour eux vous êtes toujours mes élèves et eux aussi disent vos noms avec tendresse.
J’avais un jour dans mon école de France organisé une exposition intitulée « L’enfant dans tous ses états », et bien sûr, vous faisiez partie de cette exposition. De loin, sachant bien malheureusement que vous ne le liriez pas j’avais écris un poème en pensant très fort à vous tous enfants d’Aït Ali.
Et bien aujourd’hui je vous l’offre espérant qu’un jour vous le lirez.
A CES ENFANTS
DEVENUS GRANDS
C’était hier
C’était la guerre
C’était hier
Ecoliers fiers
Vous appreniez
Sans rechigner
Soif de savoir
C’était l’espoir !
Et j’ai transmis
A vos esprits
Ce que j’ai pu
Sans un refus,
Du fond du cœur
Pour un Bonheur !
C’était hier
C’était la guerre
C’est aujourd’hui,
De vous, Amis…
Je me souviens !